mardi 3 mai 2011

LA LAÏCITÉ : ENCORE UNE VALEUR DE GAUCHE ?


Poser la question, c'est déjà douter.

Depuis "le petit père Combes", même si ce n'est pas lui le principal rédacteur de la Loi de 1905, mais  E. Reclus, A. Briand, F. Buisson, les partis de la gauche française ont été longtemps les garants de la laïcité. Quand au début Ve République ressurgit la querelle scolaire avec la Loi Michel Debré (1959) autorisant l'enseignement privé  -« qui a acquis ses lettres de noblesse républicaine » - de conclure avec l'État des contrats d'association, le  parti socialiste en appelle au caractère laïque de l'État français et rappelle que la logique du système proposé est l'intégration de l'enseignement privé dans l'enseignement public.
La Gauche reprendra cette idée, sans succès, en 1984 (http://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Savary).
  
Tout bascule à la fin des années 1980. Lionel Jospin est à la tête de l'Éducation Nationale. Éclate l'affaire du voile à l'école (Créteil en 1989). Elle divise déjà  la Gauche, alors que la Droite se pare d'une nouvelle vertu : la laïcité républicaine.
Ce n'est qu'en mars 2004, sous un gouvernement de Droite, que cette affaire sera résolue par un compromis satisfaisant pour tous (commission Stasi et loi de 2004). 
Depuis cette affaire du voile, la Gauche n'est plus la garante incontestée de la loi de 1905. On assiste en effet à un glissement progressif vers ce que C.Ambourou appelle le « Néo-laïcisme», apparu récemment sous les labels « laïcité ouverte », « laïcité plurielle », voire un nouveau concept : "laïcité raisonnée"  comme l’a proposé plus récemment Eva Joly (Cf.Libération du 27.01.2011) . Ce "néo-laïcisme" est une figure tourmentée : authentiquement laïque lorsqu'il est confronté à un intégrisme de droite issu des pays du Nord, il devient communautariste lorsqu'il est confronté à un totalitarisme issu des pays du Sud.
 Martine Aubry (épouse Brochen) cherche des accommodements avec la forte minorité musulmane de Lille où l'on trouve, entre autres, des piscines réservées aux femmes.
Beaucoup d'autres élus de gauche (de droite aussi), soit par lâcheté ou par calcul, soit par conviction ne réagissent que mollement aux manquements à la loi de 1905. Même le parti du facteur n'a pas hésité à présenter une candidate en foulard aux élections européennes ... Quant à Mélenchon, il fait un peu dans la surenchère : une sénatrice, Marie-Agnès Gabare (Parti de gauche) de l’Essonne, voudrait voir disparaître le concordat en Alsace-Moselle. Bien que cette démarche ne soit pas illogique, tout le monde sait qu'elle n'a aucune chance d'aboutir (DNA du 9/04.21011). Signalons que même après la 1re Guerre Mondiale, devant l'hostilité des populations alsaciennes et mosellanes, le gouvernement a renoncé à introduire la loi de 1905. Alors en 2011 ! ...  Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, grâce à ce statut spécial, la construction des mosquées dans ces trois départements est possible juridiquement sans contourner la loi, alors que dans la "France de l'intérieur" les élus doivent utiliser l'amendement dit «Vichy » à l'article 19, introduit en 1942 : « Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques. »

Avec l'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, la Droite change de discours : un nouveau concept est mis en avant : celui de la laïcité "positive".

"Dans la transmission des valeurs et dans l‘apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l‘instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur." (Discours de Latran 20 décembre 2007- N. Sarkozy).
Mais la situation reste floue. Malgré "l'activisme du Président" le malaise s'accroît  : voile intégral, prières dans certaines rues des grandes agglomérations, problèmes dans les hôpitaux, viande halal dans les cantines scolaires, quelques cas de polygamie avérés ....
C'est dans cette brèche que s'engouffre Marine Le Pen. On arrive alors à ce paradoxe : l'extrême droite a récupéré la laïcité à son profit. Voir : Comment la laïcité a été offerte en cadeau au Front national de Catherine Kintzler.
Aussi le Pouvoir actuel, quoique divisé sur la question, fait-il flèche de tout bois : sous l'impulsion de Patrick Buisson, ex-journaliste à Minute, de Claude Guéant, devenu ministre l'intérieur, de Jean-François Coppé ..., Nicolas Sarkozy s'est attaqué avec force depuis les "cantonales" au problème de la Laïcité. Sans beaucoup de succès. À courir derrière le F.N., l'UMP finit par s'essouffler. Et le PS derrière l'UMP ...(lire le document de travail daté du 30 mars que Marianne2 s’était procuré au contenu affligeant : le PS envisage  l’adoption d’une « charte nationale de la laïcité, adossée à la Constitution »). Une charte qui n' apporte pas grand-chose, toute une batterie de textes existant déjà sur le sujet. Il suffit simplement de les faire appliquer. Or, cette charte ressemble étrangement au « code de laïcité »de l’UMP.
 Comme le débat sur la nationalité, celui sur la laïcité  ne convainc personne. Un exemple : l'incident (assez mineur, en voie de règlement ?) relaté par Laurent Mauduit, sur Mediapart , relayé par Le Post, Marianne 2... a fait un très mauvais effet. S'il s'agit de stigmatiser les uns, et de défendre ou de favoriser les autres, peut-on encore parler de laïcité ?

 Aussi faut-il une nouvelle fois rappeler à la droite républicaine et surtout à la gauche, que la laïcité est neutre et non adjectivée (laïcité ouverte, plurielle, positive, ouverte, raisonnable, raisonnée ...).  Ces épithètes cachent, en effet, la recherche d’un compromis permanent avec les seules religions, ce qui est donc contraire à la liberté de conscience (car les incroyants sont alors exclus !).Ils récusent le caractère neutre de la puissance publique républicaine, faisant de l'opinion religieuse une norme, autorisant les propos religieux au sein de l'État lui-même (et donc bientôt en son nom ?) et aboutissant à légitimer la communautarisation du corps politique. (La laïcité face aux libertés religieuses par C. Arambourou)

En conclusion : à méditer par tous les républicains de droite, du centre et (surtout) de gauche) :

sans laïcité, pas de libertés : C. Arambourou :

"Sachons nous prévaloir de la valeur relative des libertés (« même religieuses »), de la prééminence de la liberté de conscience, et de la consécration ( !) de notre laïcité par la CEDH (Cour européenne des droits de l'homme). Voilà un juge international incontesté : cessons de craindre de passer pour des « laïcards attardés ». Tel est le message que le droit français et européen des libertés fondamentales  permet de faire circuler ".

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