Crise
économique, crise de l'euro, chômage, dette publique, austérité… à l'aube des
Présidentielles de 2012, il est utile de rappeler comment ces sujets sont
traités dans les médias en vue de maintenir le public dans l'ignorance et la
résignation.
Lundi 8
novembre, François Fillon annonce que les Français devront en 2012 s'attendre à un "budget de
rigueur", il n'hésite pas à parler de "faillite". En dramatisant
ainsi ses propos, Il ne fait qu’appliquer une recette bien connue,
attribuée peut-être à tort à Noam
Chomsky- et que l'on peut aisément trouver sur le Net -,
appelée «les Dix stratégies de
manipulation de masse».
Noam Chomski |
En effet, «
"La propagande étant aux démocraties ce que la violence est aux
dictatures», Chomsky décrit le machiavélisme nécessaire à la mise en place de
ces stratégies, élaborées de longue date par nos hommes politiques, «penseurs»
, éditocrates, «économistes distingués», et autres experts. Il s’agit d’un
véritable «système d’état», peu importe qui est au pouvoir : chaque
gouvernement n’aura qu’à puiser, selon les circonstances, dans l’arsenal des
diverses stratégies pour manipuler les opinions publiques des pays
«démocratiques». Il va de soi qu’il faut que le contrôle d’une grande partie
des médias soit assuré (par la nomination directe ou indirecte des directeurs
de la presse écrite, parlée ou
télévisuelle, par exemple).
Avec la
mondialisation à partie des années 80, les gouvernements nationaux ont perdu de
leur influence, "l'état étant devenu
un problème" (la formule est de Reagan) : ils sont devenus peu à peu
les relais des grands groupes capitalistes, dont les tentacules s’étendent sur
tous les pays, y compris en Chine - encore officiellement un état communiste
(!).
Ainsi, la chanson de TINA, «There is no alternative» («il
n’y pas d’alternative»), est-elle devenue
l’hymne internationaliste par excelllence.
Ce système a
été théorisée par Friedrich Hayek
et Milton Friedman et appliqué par Ronald Reagan aux États-Unis (1981-1999),
par Margareth Thatcher au Royaume-Uni (1979-1990)), par Gehard Schröder en
Allemagne (1998-2005). En France, il s’est poussivement mis en place sous la
présidence de Jacques Chirac (1995-2005) et s’est accéléré sous Nicolas
Sarkozy.
Sans trop
entrer dans les détails, quelles sont ces «dix stratégies de la manipulation»
utilisés par les gouvernements-relais pour faire triompher les lois du marché
qui ont pour objectifs la dérégulation
de l'économie et, en Europe surtout, l'affaiblissement des états-nations ?
- Source : Pressenza
1. La stratégie de la diversion
Élément
primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à
détourner l'attention du public des problèmes importants et des mutations
décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continu de
distractions et d'informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est
également indispensable pour empêcher le public de s'intéresser aux
connaissances essentielles dans les domaines de l'économie, de la science, de
la psychologie, de la neurobiologie et de la cybernétique.
2. Créer des problèmes, puis offrir des solutions
Cette
méthode est aussi appelée «problème-réaction-solution». On crée d'abord un
problème, une «situation» prévue pour susciter une certaine réaction du public,
afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu'on souhaite lui faire
accepter. Par exemple : laisser se développer la violence urbaine ou organiser
des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires
au détriment de la liberté. Ou encore : créer
une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des
droits sociaux, le démantèlement des services publics et la mise à contribution
des plus pauvres.
3. La stratégie de la dégradation
Pour
faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l'appliquer progressivement,
en «dégradé», sur plusieurs décennies. C'est de cette façon que des conditions
socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme et mondialisation
sauvage) ont été imposées depuis les années 1980.
Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n'assurant
plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une
révolution s'ils avaient été appliqués brutalement.
4. La stratégie du différé
Une
autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter
comme «douloureuse mais nécessaire», en obtenant l'accord du public dans le
présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile
d'accepter un sacrifice futur qu'un sacrifice immédiat. D'abord parce que
l'effort n'est pas à fournir tout de suite. Ensuite, parce que le public a toujours tendance à espérer
naïvement que «tout ira mieux demain» et que le sacrifice demandé pourra être
évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s'habituer à l'idée du
changement et l'accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.
5. S’adresser au public comme à
des enfants en bas-âge
La
plupart des publicités destinées au grand public utilisent un discours, des
arguments, des personnages et un ton particulièrement infantilisants, souvent
proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-âge ou un
handicapé mental.
6. Faire appel à l’émotion plutôt
qu’à la réflexion
Faire
appel à l'émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l'analyse
rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l'utilisation du
registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d'accès à l'inconscient pour y
implanter des idées, des désirs, des
peurs, des pulsions ou des comportements. Reprenant les thèses de Milton Friedman, qui appelait à l’utilisation de ces chocs pour
permettre ces réformes, thèse violemment dénoncées
par Naomi Klein (in La Stratégie du choc
| Actes Sud), le duo Sarkozy-Fillon met en garde les
Français : "si nous n'agissons pas énergiquement maintenant, ce sera
pire demain pour vos retraites, vos remboursements sociaux, votre niveau de vie etc ..." Espérant ainsi que la crainte du chaos sera
plus forte que l'impopularité, l'exécutif espère renverser la tendance des
sondages qui leur est défavorable.
7. Maintenir le public dans
l’ignorance et la bêtise
Faire
en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les
méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. «La qualité de
l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle
sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes
supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures.» (Extrait de «
Armes silencieuses pour guerres tranquilles »)
« Il est une chance que les gens de la nation ne comprennent pas notre
système bancaire et monétaire, parce que si tel était le cas, je crois qu’il y
aurait une révolution avant demain matin » (Henry FORD)
8. Encourager le public à se
complaire
dans la médiocrité
Trouver
«cool» le fait d'être bête, vulgaire et inculte. Croire qu'exister, c'est
paraître et posséder.
9. Remplacer la révolte par la
culpabilité
Faire
croire à l'individu qu'il est seul responsable de son malheur à cause de l'insuffisance de
son intelligence, de ses capacités ou de ses efforts. Exemple : les pauvres et
les chômeurs, constamment pointés du doigt.
C'est exactement ce que
répètent à l'unisson les membre de l'UMP (cf.Wauquiez : L'assistanat,
"cancer de la société française") et la stupeur résignée des Grecs -
voir : Grèce : la stratégie du choc .marianne2.fr/hervenathan/Grece-la-strategie-du-choc
28 mai 2011).
Ainsi,
au lieu de se révolter contre le système économique, l'individu s'auto-dévalue
et
culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l'un des effets est l'inhibition
de l'action.
Et sans action, pas de révolution…
10. Connaître les individus mieux
qu’ils ne se connaissent eux-mêmes
Au
cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé
un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et
utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie et
la psychologie appliquée, le «système» est parvenu à une connaissance avancée
de l'être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. (...)" Cela
signifie que, dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que
les individus eux-mêmes".
C'est
la thèse de Naomi Klein (La Stratégie du choc - 1ère Partie, Chapitre 1):
"Refaçonner
les individus, les mettre en état de choc pour les soumettre».
Pour la prochaine présidentielle, toute
la stratégie du président sortant repose sur une manipulation à grande échelle
: prendre comme argument la Crise qui secoue l'Europe pour s'imposer face à son
rival. Il est soutenu et encouragé par tous les grands groupes capitalistes
mondialisés : les banques, les Bourses, les agences de notation. La Chancelière
Angela Merkel lui sert d'aiguillon. Les relais dans les médias sont en place.
Le Storytelling
Mais pour gagner une présidentielle, il
faudra encore aux candidats « A
good story. »
Dans un article du Monde
diplomatique nov. 2006, "Une machine à fabriquer des histoires", Daniel Salmon
raconte qu'il a manqué "une bonne histoire à John Kerry pour battre G.W.
Bush aux élections américaines de 2004.
Qui de Nicolas
Sarkozy ou de François Hollande (ou d'un autre candidat) aura la bonne histoire
à raconter au peuple ?
Nicolas
Sarkozy aura quelques difficultés à refaire le coup de 2007, en se faisant
passer comme le "candidat de la rupture". Il brodera autour de la
Crise qu'il serait le seul à maîtriser. Il se présentera en tant que
"protecteur du peuple", face à l'incompétence, l'inexpérience et
l'irresponsabilité de son rival. Peut-être arrivera-t-il à convaincre les
Français en leur proposant encore "plus de convergences fiscales"
avec l'Allemagne, qui passe pour
un nouvel Eldorado aux yeux de bon nombre de Français.
François
Hollande tentera de raconter aux électeurs qu'il sera un président
"normal", plus "juste" que son concurrent dont le bilan
social est calamiteux - voir le rapport du Secours Catholique du 8 novembre ici
-,
bref il souhaiterait "ré-enchanter la France"(sic !). Il se pourrait,
cependant, que la Crise devienne, pour
lui, un handicap. Il le sait. Un de ses proches a même confié à un journaliste
du Monde : « Le président n’a aucune
chance de nous sauver de la crise. Mais la crise, elle, a une chance de sauver
le président".
Mais laissons la conclusion à Naomi
Klein qui a déclaré il y a quinze jours, lors d'une manifestation sur la côte
ouest des États-Unis :
Naomi Klein |
”Le capitalisme
détruit les systèmes dont il dépend, il détruit les gens qui ne peuvent plus se
permettre d'acheter ses produits, il détruit les rivières et l'air.
Ceci est un modèle
de fou et cela doit cesser."
Sources
:
Médiapart
du 01.10.2010 - Ze Rhubarbe Blog
Actuchomage.org
du 31.10.1011
+ les
mots en gras et en bleu
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