vendredi 11 mars 2016

9 mars: Annie Le Brun contre la loi El Khomri Non à la réalité qu’on nous vend

Avec la loi El Khomri, le capitalisme a trouvé sa dernière ruse de la raison. On nous serine que l'homme doit s'adapter au réel, qu'il n'y a pas d'alternative possible. Heureusement, Annie Le Brun ouvre d'autres horizons. (Jérome Leroy)


« Il est des livres qu’on préfèrerait ne pas écrire. Mais la misère de ce temps est telle que je me sens obligée de ne pas continuer à me taire, surtout quand on cherche trop à nous convaincre de l’absence de toute révolte. Sur ce point comme sur les autres, il me répugnerait de croire sur parole une société qui n’en a aucune, jusqu’ à trouver son mode d’expression privilégié dans la dénégation. » écrivait, en l’an 2000, Annie Le Brun dans Du trop de réalité. (Stock)


Voici un livre à relire, seize ans après sa parution, alors qu’un mouvement social d’ampleur se prépare peut-être. Ou peut-être pas. Qu’il s’agira, ou pas, d’une vraie révolte, d’une vraie colère, de celle qui ne sera pas orientée et relayée par les maîtres du moment et leurs médias, vers l’immigré, le migrant, l’assisté, le Musulman. Une colère devant nos vies déjà volées mais qui seront demain entièrement soumises aux convenances d’un capitalisme aux abois. Ce capitalisme financiarisé confronté à cette fameuse baisse tendancielle du taux de profit prophétisée par le marxisme, trouve son ultime recours grâce à la précarisation généralisée voire, à moyen terme, au retour pur et simple à l’esclavage pour le monde du travail dans les pays occidentaux, sachant par ailleurs que cet esclavage n’a jamais vraiment cessé d’exister ailleurs, des ateliers du textile bangladeshis aux chaînes de montages chinoises de smartphones, en passant par les mines de cobalt du Congo ou les plantations de café d’Amérique Latine.

Pour ce faire, nous disait Annie Le Brun, ce capitalisme a mis au point une « réalité » - le Spectacle pour Debord – réalité évidemment falsifiée mais qui se présente comme sans réplique – la trop fameuse Tina, cet acronyme de l’enfer thatchérien.
Déjà, on entend comme en 1994 (CIP balladurien), en 1995 (sécu façon Juppé), 2003 (retraites Fillon), 2005 (TCE), 2006 (CPE), 2010 (retraites Sarkozy), les experts unanimes expliquer que c’est une bonne loi que la loi sur le travail,  que les gens ne l’ont pas comprise, que les gens ne sont pas assez intelligents pour la comprendre, qu’elle est en fait sociale, que c’est juste un problème de communication et d’ailleurs que la population qui ne le sait pas, est en fait d’accord avec cette loi puisque des sondages le disent. Et que ces sondages savent évidemment mieux ce que pensent les gens que les gens eux-mêmes. Par exemple, les gens ne savent pas qu’ils aiment Macron ni qu’ils sont d’accord pour que des apprentis travaillent dix heures par jour si l’entreprise en a besoin ou que la nuit qui allait autrefois, dans l’ancien code du travail de 22 heures à 6 heures commencerait désormais, avec cette loi, à 23 heures et se terminerait à 5, confirmant les analyses de l’américain John Crary dans 24/7, le capitalisme à l’assaut du sommeil. (Zones, 2014)
C’est la réalité, nous disent-ils. On les reconnaît d’ailleurs tout de suite à l’oreille, à une certaine tonalité de voix, sans même avoir besoin d’écouter leur sinistre refrain qui a à peine changé depuis deux grosses décennies: cette tonalité arrogante et souriante est celle de la “compétence”. Ils en ont d’ailleurs étonnamment fait montre, de cette compétence, comme le prouve chaque jour l’état de la société française alors que ce sont leurs idées qui sont pourtant appliquées servilement depuis si longtemps. Ils vous expliqueront, ces staliniens de la concurrence libre et non faussée (d’ailleurs ils sont si nombreux à l’avoir été, staliniens, ne gardant du communisme que les méthodes d’un monstrueux  accident de parcours), que si ça ne fonctionne pas, c’est justement parce que ça ne va pas assez loin.
Il est même possible qu’ils gagnent et que le monde du travail finisse par accepter de prendre un minijob à 600 euros ou accepte un « contrat zéro heure » comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni. Il semble même que le moment historique que nous traversons soit profondément défavorable à ceux qui veulent un autre monde. Les querelles boutiquières dans les milieux syndicaux ou politiques révolutionnaires ou réformistes-révolutionnaires  permettent au capitalisme d’y aller comme à l’exercice (...) . Il faut donc leur répondre, à défaut de victoire mais au moins pour sauver l’honneur, comme Annie Le Brun : 

« En attendant, qu’on ne me demande pas de reconnaître quoi que ce soit à un monde où je ne cherche plus que des traces de vies insoumises. D’autres, j’en suis sûre, ont encore cette passion. Quant à ceux qui ne l’ont pas comme à ce dont ils se réclament, c’est par tous les moyens que je me propose de leur dire : non, non, non, non, non, non, non. »

jeudi 28 août 2014

Gaël Giraud: Le jésuite qui tient tête aux banques (Marianne du Mercredi 5 Mars 2014 à 05:00)

PROPOS RECUEILLIS PAR BERTRAND ROTHÉ

L'économiste Gaël Giraud, auteur d'"Illusion financière", dénonce la collusion entre banques et haute finance publique, et propose un point de vue engagé sur la crise.

Les catholiques regroupent décidément des sensibilités très différentes. Il y a ceux qui défilent contre le mariage pour tous et puis il y en a d'autres. Et, parmi ces derniers, un qui pose beaucoup de problèmes à ce gouvernement social-libéral. Il s'appelle Gaël Giraud. Une tête bien faite : Normale sup, une thèse à Polytechnique, un économiste désormais reconnu. Un gendre parfait, sauf qu'il est entré dans les ordres et est aujourd'hui jésuite. 

Marianne : Vous n'êtes pas ce que l'on peut appeler un néolibéral. Vous souhaitez une réforme de l'euro et un engagement de l'Europe en faveur d'un protectionnisme écologique et social... Vous confirmez ? 

Gaël Giraud : C'est exact. J'ajouterais la nécessaire réglementation des marchés financiers, que nous avons à peine entamée après 2008. Tout cela, à mes yeux, devant être mis au service du véritable projet de société que constitue la transition énergétique. 

C'est cependant pour une autre raison que le ministère de l'Economie et des Finances ne vous aime pas. Pouvez-vous nous raconter vos démêlés avec cette institution ? 

G.G. : A l'origine, il y a l'excellent engagement du candidat Hollande à séparer les banques de crédit des banques de marché afin de protéger les Français des turbulences des marchés financiers. Les banques, cependant, ont largement rédigé le projet de loi durant l'été 2012. Résultat : le préambule de la loi affirme séparer alors que le corps du texte ne sépare rien. 

En pratique, la loi Moscovici-Berger [Karine Berger, rapporteuse du projet de loi, l'a défendu bec et ongles] «contraint» les banques à filialiser au plus 1,5 % de leurs activités de marché. Or, primo, filialiser ne suffit pas à protéger la maison mère : l'américain American International Group (AIG, le premier assureur au monde) a été mis en faillite, en septembre 2008, par une microfiliale parisienne. Secundo, l'essentiel des activités à risques (trading haute fréquence, trading pour compte propre, transactions avec les hedge funds) reste localisé dans la maison mère. Tertio, la loi bancaire française fusionne le fonds de garantie des dépôts des Français avec le fonds de sauvetage du système bancaire. Banques et fonds spéculatifs peuvent donc puiser dans le fonds de garantie des déposants pour se sauver en cas de crise. Les déposants français ne sont donc plus assurés. 

A Dublin, le gouvernement, sous la pression de la troïka [Commission européenne, Banque centrale eurpéenne et Fonds monétaire international] a osé vider le fonds de financement des retraites des Irlandais pour payer les dettes de ses banques naufragées. Nous, nous légalisons à l'avance un hold-up analogue. 

En décembre 2012, j'ai pris l'initiative d'écrire un rapport pour éclairer les parlementaires sur le projet de loi. Bercy a immédiatement produit une contre-note, puis m'a imposé des participants à une table ronde que j'organisais à la Sorbonne sur le sujet, avant de réclamer, en vain, la suppression d'une note de la fondation Terra Nova que j'avais écrite avec une collègue, Laurence Scialom (1). Un banquier, que je connaissais par ailleurs, a aussi cherché à faire pression sur moi pour me faire taire. 

On peut imaginer que vos choix de vie soient difficiles à comprendre pour un banquier. Ils ont opté pour les millions, vous avez fait vœu de pauvreté ! 

G.G. : Ils craignaient surtout que le débat ne devienne public. Si les Français s'étaient intéressés au projet de loi Moscovici-Berger, il y a fort à parier qu'ils eussent massivement réclamé une authentique séparation. C'est en tout cas l'expérience que je fais toutes les fois que je donne une conférence grand public. Tout a donc été fait, y compris dans l'organisation du calendrier parlementaire, pour que la loi bancaire fût effacée du débat public. Elle a ainsi pu être votée en juillet dernier dans l'indifférence quasiment complète du grand public. 

Faut-il comprendre qu'à vos yeux le pouvoir socialiste est plus ou moins à la solde des banques ? 

G.G. : En partie, oui. Il est vrai que, sous Sarkozy, les banquiers venaient en visiteurs du soir expliquer à l'Elysée la politique de la France. A présent, le gouvernement simule la mise en œuvre de ses propres promesses. 

L'histoire de cette loi bancaire vient d'être racontée par trois journalistes (2), et elle n'est pas close : récemment, le commissaire européen Michel Barnier a proposé une directive de séparation bancaire qui, si elle reste insuffisante à mes yeux, est nettement plus sérieuse que la loi française. Or, le jour même, le gouverneur de la Banque de France, M. Christian Noyer, a publiquement déclaré cette proposition «irresponsable». Voilà un haut fonctionnaire qui préside l'instance de régulation du secteur bancaire français et qui se permet de déroger au devoir de réserve auquel ses responsabilités le soumettent, afin de défendre de manière outrancière le seul intérêt des banques. 

Ce dérapage, parmi beaucoup d'autres, trahit la collusion entre la haute finance publique et la haute finance privée qui, aujourd'hui, paralyse notre société. Comment s'étonner, ensuite, si l'article 60 du projet de loi de finances 2014 prononce l'amnistie généralisée du secteur bancaire en interdisant aux collectivités locales, éventuellement ruinées, de porter plainte contre les banques qui leur ont vendu des actifs financiers pourris ? 

Peut-on dire que le pouvoir des banques est plus important que celui du monde politique aujourd'hui ? 

G.G. : Le bilan de BNP Paribas est supérieur au PIB français (en gros, 2 000 milliards d'euros). La course au gigantisme confère à ces banques un pouvoir de chantage considérable, car la France a d'autant moins les moyens d'absorber la faillite d'un tel monstre que le projet européen d'union bancaire, s'il voit le jour, ne permettra pas de sauver nos mégabanques en cas de détresse. Les banques tentent donc de neutraliser les initiatives régulatrices en faisant valoir que tout ce qui nuit à leurs intérêts immédiats les fragilise et que, si elles meurent, nous mourrons tous avec elles. Les règles prudentielles de Bâle III, par exemple, sont peu à peu rendues inoffensives par les amendements que les banques parviennent à arracher au comité de Bâle. 

Autre exemple : en janvier 2012, quand il fut enfin question de restructurer la dette publique grecque, il y avait quatre négociateurs au chevet d'Athènes : Merkel, Sarkozy et deux patrons, Pébereau pour BNP Paribas et Ackermann pour Deutsche Bank. La raison immédiate de la présence de ces banquiers, discutant d'égal à égal avec des chefs d'Etat et de gouvernement du sort de la Grèce, est claire : les principaux détenteurs de dette publique grecque n'étaient autres que des banques françaises et allemandes. Et c'est essentiellement pour sauver nos banques que nous avons détruit la société grecque. Confier un tel pouvoir de négociation à des banquiers en dit long sur l'état de la démocratie en Europe : vous imaginez JP Morgan réglant les détails du traité de Versailles ? 

Dans le cadre de votre travail et de vos combats, quel pouvoir vous donne votre statut de jésuite ? 

G.G. : D'abord, je partage la même soupe avec mes compagnons le soir, quoi que je pense du secteur bancaire par ailleurs. Cela permet de penser librement. Ensuite, la vie de partage communautaire est une expérience essentielle des biens communs, au sens de l'économiste Elinor Ostrom : aujourd'hui, nos sociétés redécouvrent les biens communs via Vélib', Vélo'v, le covoiturage, l'économie de fonctionnalité, etc., et cet apprentissage me paraît décisif pour la transition énergétique. Il induit une transformation radicale de notre rapport à la propriété privée. Eh bien, la vie religieuse occidentale pratique tout cela depuis quinze siècles au moins ! 

Avez-vous des contacts fréquents avec les hommes politiques de gauche ? 

G.G. : Je rencontre des politiques de gauche comme de droite. Ce qui me frappe, c'est l'absence de projet au sein de l'aile strauss-kahnienne du PS. Ce parti, aujourd'hui, n'ose même plus autoriser le moindre débat en son sein, de peur de fragiliser le gouvernement. Quant aux principales décisions prises par ce dernier en matière économique : signature du TSCG [traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance] ; maintien de l'austérité budgétaire alors que l'expérience européenne montre que cela augmente le ratio dette/PIB ; politique de l'offre qui ne réduira pas le chômage de masse, elles menacent toutes de nous plonger dans la déflation avec l'ensemble du sud de l'Europe. 

C'est pourquoi une initiative comme la création du parti Nouvelle Donne, qui possède déjà une représentante à l'Assemblée nationale, me semble extrêmement prometteuse. Il est vital que le débat en économie politique puisse renaître en Europe et que nous réapprenions à «penser en dehors de la boîte». En Espagne, l'incapacité des «indignados» à formuler une alternative articulée à l'entreprise de démolition de l'Etat-providence au profit des banques mise en œuvre par M. Rajoy a fini par épuiser le mouvement. Je suis convaincu que la transition énergétique est la voie de sortie par le haut de la trappe déflationniste dans laquelle l'austérité budgétaire et les excédents de dettes privées (et non pas publiques) enferment le continent. Ce dont nous avons besoin, c'est de créativité sociale et politique afin d'entamer ensemble cette transition. 

Comment réagit votre hiérarchie jésuite à vos prises de position ? 

G.G. : Mes supérieurs considèrent que participer au débat public fait partie de mon travail de directeur de recherche au CNRS. Le va-et-vient entre la recherche et l'arène publique est fécond, aussi bien pour le monde académique que pour la démocratie. 

J'ai des doutes. Il y a tout de même beaucoup de conservateurs dans l'Eglise... 

G.G. : Notre Eglise possède une bureaucratie qui, comme toutes les bureaucraties (l'Empire chinois, Bercy, les majors du CAC 40...) peut être tentée de faire passer sa perpétuation dans l'être avant sa propre mission évangélique. Ce «conservatisme» ne doit pas surprendre, au moins depuis Max Weber. Le pape François entame une réforme du Vatican en direction d'une plus grande transparence et collégialité et, quand j'observe le ballet des rapports entre services ministériels ou les guerres que se livrent les baronnies à l'intérieur des grandes multinationales, je me demande où sont les vrais conservateurs. 

Quels sont les autres sujets qui vous occupent ? 

G.G. : Il y en a deux au moins. J'ai fait partie, l'an dernier, du comité des experts pour le débat national sur la transition écologique. Ce comité a fait un travail formidable : quatre grandes familles de scénarios de transition pour la France ont été évaluées et proposées au gouvernement. Des solutions de financement innovantes ont été suggérées, qui n'accroissent pas la dette publique française. Il faut, bien sûr, continuer le travail pour apprécier la faisabilité de ces scénarios et de ces solutions de financement. Il appartient au gouvernement de s'emparer de ces feuilles de route, d'orchestrer un véritable débat démocratique sur les choix de société qu'elles impliquent et d'impulser la transition. Un peu de volontarisme saint-simonien serait sûrement nécessaire. Il faut surtout nous débarrasser de ce conte de fées selon lequel les marchés financiers dérégulés sont efficaces et relèveront le défi climat-énergie à notre place. La loi de programmation sur la transition, prévue pour l'été prochain, et le congrès de Paris 2015 pourraient être des étapes décisives dans ce sens. 

Et le second ? 

G.G. : C'est le traité de libre-échange en cours de négociation entre l'Union européenne et les Etats-Unis. En dehors de quelques journaux, cette négociation n'intéresse guère les journalistes. Or, ce traité peut devenir une véritable bombe : l'une de ses clauses pourrait autoriser les entreprises multinationales à poursuivre un Etat si celui-ci fait passer une loi qui nuit aux intérêts de l'entreprise. Par exemple, une entreprise qui aurait investi en France et qui s'estimerait pénalisée par la revalorisation du Smic pourrait obliger l'Etat français à lui verser des milliards de dédommagement. Ce serait une sorte de révocation du traité de Westphalie (1648) qui régit l'Etat-nation occidental. Il est urgent que ce sujet émerge dans le débat public français : les négociations sont loin d'avoir abouti ; tout est encore possible. 

Comment expliquez-vous que le FN ne se soit pas encore emparé du sujet ? 

G.G. : Le FN ne fait que piller les thèses de certains penseurs hétérodoxes : Jacques Sapir, Frédéric Lordon, François Ruffin... Comme ces derniers ne se sont pas encore exprimés sur ce nouveau sujet, le FN ne peut donc pas encore siphonner cette idée, mais ne vous faites aucun souci : il le fera peut-être dès après la lecture de cet entretien ! 

Propos recueillis par B.R. 

(1) «Pour une réforme bancaire plus ambitieuse : vous avez dit Liikanen ? Chiche !», fondation Terra Nova. www.tnova.fr 

(2) Mon amie, c'est la finance !, d'Adrien de Tricornot, Mathias Thépot, Franck Dedieu, Bayard, 2014. 



BIO EXPRESS 

Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS et membre de la Compagnie de Jésus, est né en 1970. 

Il est diplômé de l'Ecole normale supérieure d'Ulm et de l'Ensae. 

Il est aussi docteur en mathématiques appliquées de l'Ecole polytechnique. 

En 2009, il est sélectionné pour le Prix du meilleur jeune économiste, remis par le Monde et le Cercle des économistes. 


mercredi 9 avril 2014

Dissonance et paranoïa (Le Monde Diplomatique du 29 mars 2014 - par Alain Garrigou)


« Tout était faux, faux réalisme, faux crédit et même fausses catins. Et cette fausseté s’appliquait surtout dans la manière de juger » 
(Flaubert, Lettre à George Sand, 1871)

Selon un sondage Ifop-Le Figaro du 17 mars 2014, Nicolas Sarkozy est le candidat préféré de 62 % des sympathisants UMP, loin devant Alain Juppé (18%), François Fillon (10%) et Jean-François Copé qui, petite notation ironique de l’AFP, « a doublé son résultat en passant de 1 à 2% des sondés » (17 mars 2014). Comme d’habitude, l’AFP relaie « l’information » pour toute la presse : Nicolas Sarkozy est toujours « le candidat préféré (…) des sympathisants UMP pour la présidentielle de 2017 ». Ensuite, les chaînes d’info en continu et les quotidiens reprennent en boucle. En plein maelström, il faut bien en déduire que les affaires n’affectent pas l’image positive de celui qu’elles accusent. Les chiffres semblent sans appel.


Il n’y a pas en effet de biais statistique ou méthodologique suffisant, pas de « marge d’erreur » qui puisse seulement relativiser le fait qu’une majorité des sympathisants UMP préfèrent Nicolas Sarkozy comme candidat en 2017. D’autres sondages le confirment par ailleurs qui, par exemple, recensent les qualités de l’ancien président : « dynamique », « courageux », solide », « charismatique », « compétent », « convaincant ». Et même s’ils étaient seulement une minorité à le juger « honnête » Le Parisien peut titrer dans le même sens : « Malgré les affaires, Sarkozy reste dans la course » (Le Parisien, 16 mars 2014).
Ce genre de sondage laisse les uns dubitatifs, les autres atterrés. Il n’y a pourtant pas de mystère : les sympathisants UMP ne retirent pas leur faveur à Nicolas Sarkozy pour la prochaine élection présidentielle car ils ont voté pour lui en 2007 et 2012. Comme les sympathisants de n’importe quel parti, même s’il existe des différences entre eux et si, à droite, le rapport à l’autorité conduit à faire confiance aux chefs. Ne pas souhaiter son retour, surtout à cause d’affaires mettant en doute sa probité, ce serait reconnaître non pas que Nicolas Sarkozy a des choses à se reprocher mais que l’on s’est trompé. Autrement dit, de telles questions déterminent les réponses.
“Lire André Bellon, « Bonapartisme ou Constituante », Le Monde diplomatique, avril 2014.


”Le sondage Ifop-Le Figaro met en œuvre le mécanisme de « dissonance cognitive » : aucun événement ne peut démentir une croyance forte. Ainsi, Leon Festinger et ses collègues ont-ils montré que les millénaristes qui attendent la fin du monde ne renoncent pas à cette croyance quand elle n’arrive pas à la date prévue [1]. La fin du monde est seulement reportée. La démonstration ne concerne pas seulement ces croyances et ces groupe, elle met à nue un mécanisme banal dont les scandales offrent une bonne illustration. La croyance en la culpabilité des personnages politiques est étroitement corrélée à la proximité partisane. Autrement dit, les électeurs de gauche croient à la culpabilité des politiciens de droite quand ceux de droite n’y croient pas, et inversement. A moins qu’ils ne renvoient tout le monde dos à dos. Mais c’est aussi pour échapper à la dissonance cognitive. Mais les sympathisants de l’UMP ne sauraient se donner tort d’avoir un jour choisi Nicolas Sarkozy. Ils ne croient donc pas à sa culpabilité car elle signifierait leur erreur. Les preuves importent peu, en tout cas pour les plus convaincus.


L’affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy a permis d’enclencher le procédé de défense le plus ordinaire, en inversant l’accusation de ceux qui sont censés avoir commis une faute et en la portant vers ceux qui sont censés bénéficier de la dénonciation : les magistrats abuseraient du droit en mettant sur écoute un ancien président, la garde des sceaux aurait menti en disant qu’elle n’était pas au courant, l’accumulation des affaires avant les élections municipales ne serait pas une coïncidence. Et certains lâchent le mot de « complot ». Y croient-ils ? Les professionnels de la politique sont plus retors : qu’ils y croient ou pas, ils font leur travail en accusant l’adversaire. Rassurant ainsi des profanes qui ne demandent qu’à croire. C’est la règle du jeu, assurent les cyniques. Il n’est cependant pas sûr que cela s’accomplisse sans dommages. La thèse du complot encourage les prédispositions paranoïaques : la justice serait partiale et manipulée car il est bien connu que les magistrats sont de gauche ; la presse aussi, car nul n’ignore que les journalistes sont de gauche. A cette occasion, les réactions paranoïaques ont une nouvelle fois prospéré sur les forums Internet. A l’abri de l’anonymat.


La raison politique souffrirait moins de ce pathos entretenu à longueur de colonnes, de plateaux et de sondages si le même mécanisme de dissonance cognitive ne s’appliquait aussi aux élections. Les électeurs ne déjugent pas leurs candidats, même s’ils sont condamnés, parce qu’ils ne sauraient se déjuger eux-mêmes. Tout au plus admettent-ils les fautes en les excusant parce que « les autres » feraient « pareil sinon pire ». Cela dépasse le pacte de corruption qui lie le corrupteur et le corrompu. Depuis le XIXe siècle, on sait qu’il est vain d’espérer inverser le résultat d’une élection irrégulière. Il en va aujourd’hui de même à Corbeil-Essonnes et d’autres endroits. Ne donnons pas de nom qui nous vaudrait une assignation en diffamation, mais chacun sait que M. X a acheté les voix, que M. Y a reçu des commissions sur les constructions effectuées dans sa commune, et a fait passer l’argent par les paradis fiscaux. Ils seront réélus, écrivions-nous avant le premier tour des élections municipales. Le temps de finir ce papier, il sont déjà réélus [2].
Ces péripéties désespèrent ceux qui se résignent, les autres parlent de pédagogie, de temps pour comprendre. Cette façon morale d’envisager le problème n’est pas nouvelle. Lamartine la posait déjà en 1848 devant l’éventualité d’un peuple se dépossédant lui-même : « Si le peuple se trompe, eh bien ! tant pis pour lui ». Il anticipait la tentation plébiscitaire qui pourrait amener un tyran au pouvoir grâce au suffrage universel. Il y eut Napoléon III, et, si l’on ose dire, il y eut pire. L’ancienneté du propos est accablante. Nous n’avons rien su faire. Si nous savons aujourd’hui ce que le mot peuple peut cacher ou justifier, il faut bien aussi considérer ces électeurs qui ignorent que le droit est aussi important que le suffrage.


En droit électoral, la peine d’inéligibilité des élus condamnés vise surtout les électeurs. A les protéger d’eux-mêmes en somme. Pas suffisamment. Un peu plus tard, la peine révolue, les politiciens déchus n’en reviennent pas moins devant eux avec succès. Les critiques attribuent généralement l’ampleur de la corruption française à l’impunité permise par les intrigues politiques, la lenteur de la justice, la servilité médiatique, les protections des puissants ; ils oublient seulement la complicité de millions de citoyens. Embarrassant…


Notes :


[1] Leon Festinger, Hank Rieken, Stanley Schachter, L’Echec d’une prophétie, PUF, Paris, 1993.


[2] Lire « Les casseroles font plus de bruit que de mal », Le Canard Enchaîné, 26 mars 2014.

lundi 29 juillet 2013

De Gaulle et les Américains


  
L'extrait ci-dessous est tiré du tome 2 de l'ouvrage C'était de Gaulle, d'Alain Peyrefitte, paru en 1997 chez Fayard (Editions de Fallois), pages 15 et 16.

  Salon doré [de l'Élysée ] - 4 janvier 1963

« Nous avons procédé à la première décolonisation jusqu'à l'an dernier. Nous allons passer maintenant à la seconde. Après avoir donné l'indépendance à nos colonies, nous allons prendre la nôtre. L’Europe occidentale est devenue, sans même s'en apercevoir, un protectorat des Américains. Il s'agit maintenant de nous débarrasser de leur domination. Mais la difficulté, dans ce cas, c'est que les colonisés ne cherchent pas vraiment à s’émanciper. Depuis la fin de la guerre, les Américains nous ont assujettis sans douleur et sans guère de résistance.

« En même temps, ils essaient de nous remplacer dans nos anciennes colonies d’Afrique et d’Asie, persuadés qu'ils sauront faire mieux que nous. Je leur souhaite bien du plaisir.

  Les capitaux américains pénètrent de plus en plus dans les entreprises françaises. Elles passent l'une après l'autre sous leur contrôle.

« Il devient urgent de secouer l’apathie générale, pour monter des mécanismes de défense. Les Américains sont en train d’acheter la biscuiterie française. Leurs progrès dans l’électronique française sont foudroyants. Qu’est-ce qui empêchera IBM de dire un jour : « Nous fermons nos usines de France, parce que l’intérêt de notre firme le commande » ? Qu’est-ce qui empêchera que recommence ce qui s’est passé l’autre année pour Remington à Vierzon ? Les décisions se prennent de plus en plus aux États-Unis. Il y a un véritable transfert de souveraineté. C'est comme dans le monde communiste, où les pays satellites se sont habitués à ce que les décisions se prennent à Moscou. 

« Les vues du Pentagone sur la stratégie planétaire, les vues du business américain sur l’économie mondiale nous sont imposées.

« Bien des Européens y sont favorables. De même que bien des Africains étaient favorables au système colonial : les colonisés profitaient du colonialisme. Les nations d'Europe reçoivent des capitaux, certes ; mais elles ne veulent pas se rendre compte que ces capitaux, c'est la planche à dollars qui les crée ; et qu'en même temps, elles reçoivent aussi des ordres. Elles veulent être aveugles. Pourtant, à la fin des fins, la dignité des hommes se révoltera. »

Charles de Gaulle
4 janvier 1963





mardi 25 juin 2013

Jean-Michel Quatrepoint : "L'accord commercial transatlantique sera une catastrophe pour la France"




Jean-Michel Quatrepoint est journaliste économique et essayiste


Vous affirmez que le futur accord commercial transatlantique de libre-échange (TTIP) sera nécessairement un marché de dupes. Pourquoi ?

Je pense que c’est, pour la France, l’un des sujets les plus importants des années qui viennent. Pour notre pays, c’est une question de survie.

Pour l’Europe, vous voulez dire…

Non, pour la France. Nous avons bien plus à perdre que beaucoup d’autres pays, car nous avons en propre une défense, une diplomatie, une langue dans le cadre de la francophonie…

Pour comprendre ce qui se joue, il faut considérer la genèse du TTIP et se demander pourquoi l’idée de cet accord, qui est ancienne mais avait été enterrée, ressort brutalement.

Il y a encore deux ou trois ans, on ne parlait plus que de la « Chinamérique ». On nous expliquait que la Chine et l’Amérique faisaient alliance, et que le centre du monde se déplaçait dans le Pacifique.

Mais il se produit un évènement qui entraîne un changement radical de la politique américaine. En décembre 2011, la Chine et le Japon signent un accord monétaire. Ils s’engagent à libeller une part de leur commerce bilatéral dans leurs monnaies respectives, en se passant du dollar. La banque de Chine autorise la banque du Japon à acheter des bons du Trésor chinois. Autrement dit, les Chinois commencent à tenter de faire du yuan une monnaie de transaction internationale, concurrente du dollar. Et le Japon, chasse gardée américaine, bascule dans le giron chinois, ce qui est un évènement majeur.

S’y ajoute un autre évènement : au même moment, la Chine inaugure son premier porte-avion. Les Américains s’avisent alors que dans cette « Chinamérique », les Chinois ne se contenteront pas de la seconde place…

C’est alors que ressurgit, étonnamment, la querelle sino-japonaise sur les iles Senkaku.

Vous sous-entendez que les Etats-Unis se sont arrangés pour raviver cette querelle ?

Je l’ignore, mais elle intervient à point nommé pour les Américains ! Car la tension entre Chine et Japon monte alors très violemment, ramenant le Japon dans le giron américain.

Lorsque Shinzo Abe arrive au pouvoir fin 2012, des manœuvres militaires communes nippo-américaines sont lancées dans le Pacifique. Puis Abe opère un virage radical dans la politique économique traditionnelle du Japon. Avec l’accord des Américains – qui obligeaient le Japon, depuis les accords du Plaza, à avoir une monnaie très forte – Abe fait fonctionner la planche à billets et le yen se dévalue.

Les américains utiliseraient donc le Japon contre le Chine ? Finie la « Chinamérique » ?

Oui : aujourd’hui et de récente date, les Américains tentent d’organiser uncontainment de la Chine. Cela se fait progressivement. D’abord, ils ont sorti la Birmanie du giron chinois. Ensuite, ils ont lancé un partenariat transpacifique - un marché commun - sans la Chine. Tout en multipliant les procédures antidumpingcontre la Chine, et en incitant leurs multinationales à relocaliser aux Etats-Unis une partie de leurs activités.

Après l’accord transpacifique à l’Est, pour revenir au centre du jeu mondial, il ne manque plus aux Etats-Unis qu’à relancer la vieille idée – qu’ils avaient eux-mêmes enterrée - du partenariat transatlantique à l’Ouest. Comme l’écrit Zaki Laïdi dans Le Mondel’objectif des Américains est de « mettre en place deux mâchoires puissantes couvrant 60% du commerce américain, l’une avec l’Europe, l’autre avec l’Asie mais sans la Chine, et en plaçant la barre des négociations de l’accord partenarial transpacifique suffisamment haut pour dissuader Pékin d’y venir ».

Voilà donc Obama exhumant la vieille idée d’un partenariat transatlantique dans son discours sur l’état de l’Union en février 2013. Evidemment, comme on pouvait s’y attendre, Barroso et la Commission européenne lui emboitent le pas.

Le même Barroso dont Le Monde expliquait dans un récent éditorial qu’il a des intérêts personnels aux Etats-Unis…

… et qui rêve de se recaser, une fois son mandat à la Commission terminé, soit au secrétariat général de l’OTAN, soit à celui de l’ONU.

Il veillera donc à satisfaire les principales puissances concernées par l’accord transatlantique, quitte à faire passer celui-ci au forceps. Il contentera prioritairement les Etats-Unis, l’Angleterre et l’Allemagne.

Qu’attend l’Angleterre du TTIP ?

C’est très simple : elle souhaite que la City puisse se développer davantage sur le marché américain d’une part, et, d’autre part, que son transport maritime bénéficie de l’accroissement du commerce sur l’Atlantique. Les Anglais partagent d’ailleurs ce dernier objectif avec le Danemark et avec la Suède.

Et l’Allemagne ?

Ce qui compte pour elle, c’est l’industrie. Les industriels allemands ont intérêt à cet accord transatlantique.

Actuellement, les droits de douane ont presque disparu entre l’Europe et les Etats-Unis. Ils ne dépassent pas 3%. En revanche, il y a des règles différentes, ce qu’on appelle les « normes non tarifaires ».

L’industrie automobile allemande produit déjà aux Etats-Unis, où elle possède des usines modernes, et bénéficie de coûts du travail plus faibles. Elle gagne beaucoup d’argent, en utilisant les normes américaines. Son but est donc d’obtenir une uniformisation des normes non tarifaires pour pourvoir exporter ces voitures des Etats-Unis vers l’Europe, voire vers l’Asie. Exportations qui se feraient alors en dollar, ce qui permettrait d’être totalement exempté des inconvénients d’un euro trop fort.

L’Allemagne espère, via ce partenariat, se redéployer. Elle n’espère plus rien tirer de l’Europe, où elle a déjà fait le plein. Elle y a pris toutes les parts de marché qu’il y avait à prendre, et cherche à se réorienter désormais hors de la zone euro, spécialement vers les pays émergents et les Etats-Unis.

Et les Etats-Unis, qu’est-ce qui les intéresse plus spécifiquement ?

L’agriculture, l’agroalimentaire, la santé, les industries de défense et les industries culturelles. Dans ces domaines, les normes non tarifaires européennes sont plus contraignantes. Ils attendent donc que nous alignions nos normes sur les leurs, et qu’on accepte, par exemple, leurs « poulets chlorés ».

Concernant les industries culturelles, ce qui les intéresse, c’est de pouvoir développer leurs géants de l’Internet, comme Google par exemple. Ils veulent pouvoir diffuser, sur leurs plateformes numériques, des biens culturels sans payer de TVA ou d’impôt sur les sociétés en Europe. Loin d’être un combat « réactionnaire » comme le dit Barroso, la bataille pour l’exception culturelle est une bataille pour le futur. Il nous faut absolument préserver nos patrimoines numérisés.

Sur ce dernier point, François Hollande a donc remporté une victoire…

Oui, une petite victoire. Toutefois, d’ores et déjà, le commissaire Karel de Gucht annonce que la Commission européenne se réserve le droit de remettre le sujet sur la table des négociations si elle l’estime nécessaire.

On voit bien poindre le danger : les ambitions des Anglais et celles des Allemands seront préservées lors des discussions avec les Etats-Unis. Mais il faudra donner des contreparties aux Américains. Et nos partenaires entendent bien que ce soient les Français qui les donnent en renonçant à défendre leurs propres intérêts !

L’exception culturelle, ce sera un peu comme les traités européens : vous dites « non », vous fermez la porte, mais ça revient par la fenêtre ! Cet accord sera une catastrophe pour la France, qui y perdra tout ce qui demeure : industries culturelles, agriculture, agroalimentaire et industries de défense.

N’y a-t-il donc rien à gagner ?

Que voulez-vous qu’on gagne ? Le libre-échange, ce n’est jamais « gagnant-gagnant ».

Depuis le début de cette affaire, on fait tourner les supposés « modèles ». On nous explique que l’accord euro-américain va créer 400 000 emplois de part et d’autre de l’Atlantique. Que ça va générer 119 milliards de dollars pour de PIB supplémentaire pour l’Union européenne, et 95 milliards pour les Etats-Unis. Mais ces chiffres sont fantaisistes. Ils viennent de nulle part !

L’attitude allemande reste paradoxale. Si l’accord transatlantique est conclu, la Chine se sentira exclue. Or l’Allemagne est soucieuse de ses relations avec Pékin. Comment va-t-elle concilier cela ?

L’Allemagne ménagera la chèvre et le chou. Elle ménagera la Chine, mais elle désire le partenariat transatlantique, plus qu’elle ne souhaite faire progresser l’Europe.

Ne serait-ce que pour sa défense, l’Allemagne souhaite s’en remettre totalement à l’Amérique. C’est pour cela qu’elle n’a jamais voulu de l’Europe de la défense. L’Allemagne se vit comme une grande Suisse. Elle s’interdit d’avoir des ambitions militaires, non plus que diplomatiques. C’est un géant géoéconomique, mais en aucun cas géopolitique. En Europe, l’Allemagne a acquis, par le fait de la faiblesse de ses partenaires, une position de domination. Mais elle n’a jamais vraiment désiré ce leadership.

Que peut faire la France ?

Elle doit s’interroger : veut-elle garder une diplomatie et un outil de défense autonomes, ceux-là mêmes qui ont permis, par exemple, l’intervention au Mali, et permettent d’avoir une politique ouverte vers l’Afrique et le monde arabe ?

Ou veut-elle abandonner sa défense aux Américains, sa diplomatie à Bruxelles et son industrie à l’Allemagne, pour devenir simplement une vaste place touristique, vendant deux ou trois produits de luxe ?

C’est la réponse à ces questions qui conditionnera l’attitude française dans les négociations transatlantiques.